WEBINAIRE – Fondamentaux du pilotage financier des structures à impact

La question du financement n’est plus une variable périphérique pour les structures de l’ESS : elle est devenue un enjeu vital.

Dans un contexte de contraction des financements publics et de fragilisation des mécénats, la maîtrise des outils de pilotage financier constitue moins un exercice de conformité qu’un levier stratégique pour sécuriser son modèle et défendre la légitimité de son action.

C’est autour de ce constat qu’Omar Bendjelloun, fondateur du cabinet FINETIC, est venu partager son expérience auprès de plusieurs dizaines de structures lauréates réunies par La France s’engage le 16 septembre 2025.

Repenser les équilibres : de la trésorerie à la vision stratégique

Derrière les chiffres, c’est une culture de gestion qui s’impose. Trop de structures abordent encore leur budget comme une photographie annuelle, alors qu’il s’agit en réalité d’un instrument de pilotage dynamique. La distinction entre comptabilité d’engagement et trésorerie n’est pas un détail technique : elle détermine la capacité d’une organisation à anticiper ses fragilités, à dialoguer avec ses partenaires financiers et à éviter les crises de liquidité.

L’intervenant a illustré ce point par des cas concrets issus de son expérience. Ainsi, une association pensait disposer d’une trésorerie excédentaire et avait même baissé le prix de ses prestations pour toucher davantage de bénéficiaires. Mais un changement de cabinet comptable a révélé un déficit structurel, conséquence directe d’une confusion entre encaissements immédiats et engagements pluriannuels. De la même manière, une entreprise sociale pourtant bénéficiaire affichait un excédent de 15 % mais s’est retrouvée en redressement judiciaire quelques mois plus tard, faute d’avoir anticipé le poids de ses dettes et ses décalages de trésorerie. Ces exemples montrent que le pilotage ne se limite pas à additionner produits et charges : il suppose de raisonner dans le temps long et de se doter d’outils adaptés.

Trois angles morts à intégrer dans son pilotage

Omar Bendjelloun a insisté sur trois éléments souvent absents des budgets mais qui peuvent fragiliser la situation économique d’une structure :

  1. Les remboursements d’emprunt, invisibles dans le compte de résultat, mais incontournables dans la trésorerie.
  2. Le besoin en fonds de roulement (BFR), lié aux décalages de versement des subventions, aux créances ou aux stocks. Plusieurs participants ont confirmé combien ces décalages pouvaient mettre en tension leur organisation, notamment lorsqu’une subvention annoncée n’est perçue que plusieurs mois plus tard.
  3. Les investissements, qui apparaissent seulement de façon marginale dans les dotations aux amortissements. Qu’il s’agisse de travaux immobiliers, de systèmes d’information ou de dépôts de garantie, ces dépenses lourdes doivent être anticipées et financées spécifiquement, sans quoi elles fragilisent durablement l’équilibre d’une structure.

Cette approche pragmatique a permis de rappeler que même des structures expérimentées peuvent être déstabilisées si elles n’anticipent pas ces trois zones d’ombre.

Entre dépendance et diversification : un impératif de lucidité

La diversification des ressources n’est pas un slogan, mais un exercice exigeant d’alignement entre mission sociale et modèle économique. Les échanges ont mis en lumière les dilemmes auxquels font face de nombreuses organisations : comment compenser la baisse des financements publics, particulièrement ressentie dans certains territoires ultramarins ? Comment sécuriser des partenariats pluriannuels dans un environnement dominé par les appels à projets de court terme ? Comment développer des revenus propres sans risquer de compromettre la mission sociale ?

L’intervenant a proposé une grille de lecture simple mais opérante : distinguer trois composantes du modèle économique — autofinancement, soutien public, financements privés — et mesurer la dépendance de chaque structure à l’une ou l’autre. L’enjeu n’est pas de toquer à toutes les portes indistinctement, mais de poser un diagnostic lucide pour identifier les leviers réalistes. Des participants ont ainsi évoqué la possibilité de mobiliser davantage les bénéficiaires via des contributions symboliques, ou encore d’explorer des modèles de type commerce équitable ou d’externalités positives, qui permettent de concilier ressources nouvelles et respect de la mission d’intérêt général.

Le pilotage comme langage commun avec les financeurs

Plus qu’un outil de gestion interne, le pilotage financier est aussi un langage de crédibilité. La capacité d’une structure à rapprocher régulièrement prévisionnel et réalisé, à documenter les écarts et à rendre lisible sa situation économique, constitue un gage de fiabilité auprès des banques, fondations et partenaires publics. Plusieurs questions des participants portaient sur la manière de rendre ces documents accessibles à des équipes non financières ou à des conseils d’administration. La réponse d’Omar Bendjelloun a été claire : privilégier des outils simples, lisibles et partagés, qui permettent à chacun de comprendre les équilibres fondamentaux. Des modèles de budget et de plan de trésorerie sont disponibles (par exemple ici).

À l’heure où la confiance se gagne autant sur les chiffres que sur le projet social, cet exercice devient un acte stratégique : il traduit la capacité d’une organisation à conjuguer rigueur économique et utilité sociale.

Une compétence-clé pour l’avenir de l’innovation sociale

Ce webinaire a mis en évidence que la robustesse financière n’est pas seulement une condition de survie, mais aussi un ressort d’autonomie. Dans un écosystème où l’incertitude devient la norme, apprendre à piloter sa trésorerie, son BFR et ses investissements, c’est se donner les moyens de durer, mais aussi de continuer à innover et à peser dans les débats.

En mettant à disposition des repères et des outils pratiques, La France s’engage poursuit sa mission de permettre à ses lauréats de renforcer leur autonomie financière pour concentrer leurs forces sur ce qui compte vraiment, leur mission sociale.

Ressources complémentaires