L’Outre-mer, territoires d’innovation sociale

En marge du Forum mondial de l’économie sociale et solidaire de Bordeaux, la Maison La France s’engage a eu le plaisir d’accueillir une délégation ultramarine conduite par ESS France Outre-mer, à l’initiative de Djémilah Hassani, co-déléguée à l’Europe et à l’international.

Trente-huit représentants des CRESS ultramarines, d’élus, d’associations et de partenaires internationaux ont pris part à cette session de travail dense et engagée.

Les CRESS, présentes en nombre, ont joué un rôle essentiel. Leur présence a rappelé qu’elles constituent, sur chaque territoire, des relais stratégiques pour structurer l’économie sociale et solidaire, renforcer la coopération locale et faire émerger les initiatives les plus pertinentes. Elles sont un point d’ancrage indispensable pour toute politique d’innovation sociale qui se veut juste, lisible et accessible.

Cette rencontre s’inscrivait dans un contexte plus large où l’innovation sociale est devenue un acte de résistance démocratique. Alors que les fractures sociales s’aggravent, que le repli progresse et que la confiance civique s’effrite, l’innovation sociale permet de retisser le tissu social par l’action collective, la créativité et la solidarité.

C’est la conviction que partagent La France s’engage et ESS France Outre-mer : faire société à partir des territoires, avec ceux qui y vivent et y inventent des solutions nouvelles.

Depuis 2020, 16 % des lauréats du concours La France s’engage sont des projets ultramarins. Ce chiffre témoigne d’une dynamique profonde et de la capacité de ces territoires à proposer des réponses originales aux défis contemporains.

En introduction, Damien Baldin, directeur général de La France s’engage, a rappelé l’importance d’un dialogue durable entre les initiatives ultramarines et la Fondation. Il a souligné la force d’invention de l’Outre-mer dans l’articulation des dynamiques sociales et environnementales, un domaine où ces territoires expérimentent des formes d’action particulièrement avancées.

Cette vision rejoint un principe fondamental défendu par ESS France Outre-mer : dans ces territoires marqués par l’isolement, les surcoûts et la vulnérabilité climatique, l’innovation sociale est une nécessité. Elle répond à des besoins immédiats tout en ouvrant des perspectives nouvelles pour les modèles de coopération, ici comme ailleurs.

Les participants ont formulé des questions directes : comment candidater au concours de La France s’engage lorsque les partenariats locaux sont difficiles à consolider, comment se repérer dans les critères de sélection, comment accéder à des dispositifs conçus loin des réalités insulaires ?

Les réponses apportées par Enora Hamon, directrice générale adjointe de La France s’engage, ont éclairé les enjeux d’équité territoriale.

Elle a réaffirmé une conviction : l’innovation sociale ne se décrète pas. Elle se construit dans les territoires, au plus près des besoins. La Fondation s’emploie donc à simplifier ses démarches, adapter ses calendriers et renforcer ses relais locaux, notamment grâce aux CRESS, dont la capacité à structurer les écosystèmes est déterminante.

En Outre-mer, cette exigence est encore plus forte. Comme le rappelle ESS France Outre-mer, les dispositifs nationaux ne produisent leurs effets que s’ils sont conçus en dialogue avec les territoires, en intégrant leurs réalités sociales, culturelles et logistiques. Les défis structurels ne doivent pas être perçus comme une fatalité, mais comme une formidable opportunité pour soutenir les innovations sociales déjà enracinées dans ces sociétés.

Alexandra Harnais, fondatrice du réseau Amazones et lauréate 2022, a partagé une expérience qui résonne avec de nombreuses trajectoires ultramarines.

Découvrir un environnement institutionnel dont les codes sont peu familiers ; porter des sujets encore peu identifiés par les grands mécènes privés ; construire une légitimité dans des espaces où les représentants de l’Outre-mer demeurent minoritaires.

Son témoignage, ancré dans une expérience très concrète, rejoint une observation portée aussi bien par La France s’engage que par ESS France Outre-mer : l’innovation ultramarine naît souvent de la contrainte, mais elle s’appuie sur un sens du commun particulièrement fort.

Les Amazones, comme d’autres lauréats, démontrent que l’efficacité et la solidarité ne sont pas incompatibles et que ces initiatives complètent et inspirent la métropole.

Les échanges ont convergé vers un constat partagé : l’impact social repose aussi sur une viabilité économique solide.

Pour ESS France Outre-mer, comme pour La France s’engage, soutenir l’innovation sociale implique de reconnaître le travail, de rémunérer de manière juste et de permettre aux organisations de se structurer.

Plusieurs axes de consolidation ont émergé durant la discussion :

• rendre les modèles économiques plus robustes
• encourager des coopérations locales, parfois freinées par la concurrence pour les financements
• mieux articuler l’action des associations, des collectivités et des réseaux
• renforcer la présence des CRESS comme acteurs de coordination

Un intervenant étranger a insisté sur l’importance de partir des forces des territoires. Cette approche rejoint la méthode de La France s’engage : identifier ce qui fonctionne, le soutenir, le relier et le rendre plus visible.

Une représentante de Polynésie a interrogé la possibilité d’accompagner des structures qui ne remplissent pas encore les critères du concours.
La France s’engage ne peut pas élargir aujourd’hui son périmètre d’accompagnement, mais Enora Hamon a rappelé la volonté d’adapter les dispositifs, de renforcer la détection des initiatives et de multiplier les collaborations avec les acteurs locaux.

Cette volonté rejoint la vision portée par Djémilah Hassani : structurer un écosystème plus lisible, plus solidaire et plus ambitieux, en associant les CRESS, les collectivités, les réseaux et les acteurs de terrain.

La Fondation poursuivra plusieurs actions :

• organisation d’un webinaire de présentation du concours 2026 spécialement dédié à l’Outre-mer  (voir le replay ici)
• déplacement à Mayotte le 31 mars (visite des lauréats mahorais et organisation d’un jury du concours 2026)
• mission confiée à Liza Patris, responsable de l’accompagnement des lauréats à La France s’engage, pour prolonger les échanges dans les territoires

Cette rencontre a confirmé une conviction centrale : l’Outre-mer porte des territoires de création, de coopération et de résilience. Ils démontrent qu’il existe mille manières de produire du commun, d’entreprendre et de renforcer la démocratie par l’action collective.

Ils enrichissent ainsi la vision française de l’innovation sociale, qui ne se limite pas à une juxtaposition de projets, mais s’affirme comme une manière de penser le progrès et la solidarité.

La France s’engage poursuivra son travail aux côtés des CRESS, des associations et des acteurs publics pour :

• améliorer l’accès aux dispositifs d’accompagnement nationaux
• renforcer les coopérations locales et interterritoriales
• valoriser les réussites ultramarines
• soutenir la structuration des organisations
• offrir un accompagnement exigeant et durable

Enora Hamon a rappelé en conclusion que chacun contribue à la construction collective. L’enjeu est désormais de consolider cette dynamique, de la prolonger et de permettre à l’innovation sociale ultramarine d’irriguer davantage l’ensemble du pays.

Cette rencontre ouvre une nouvelle étape : une coopération plus étroite, structurée et tournée vers l’avenir, où l’Outre-mer est reconnue pour la contribution essentielle qu’elle apporte à la société française.