Coopération entre les acteurs de l’utilité sociale et de la tech en Europe
Cette étude vise à identifier les besoins en coopération entre les innovateurs sociaux et les innovateurs technologiques et dresse un panorama des différentes formes de coopération entre ces acteurs. Dans ce volet, nous analysons les attentes et freins des acteurs d’utilité sociale sur la période 2018:2019. Le deuxième volet (2020-2012) sera axé sur les intérêts et souhaits de collaboration du côté des acteurs tech en Europe.
Alors que les innovations numériques et technologiques sont en train de révolutionner le fonctionnement de produits et de services en Europe, le questionnement sur l’impact de ces innovations n’a jamais été aussi fort, comme en témoigne l’intérêt de l’Union européenne pour l’innovation sociale depuis 2011 (Social Business Act).
Cette tendance a été renforcée par l’adoption – en 2015 – des 17 Objectifs de développement durable (ODD) portés par l’ONU, dans le cadre de l’Agenda 2030. L’étude du Social Good Accelerator, réalisée notamment avec le soutien de la Fondation la France s’engage, vise à dresser un premier panorama des besoins en coopération et des formes de partenariat des innovateurs sociaux et des innovateurs technologiques.
Cette étude apporte des enseignements sur six points majeurs. Elle montre d’abord qu’il existe un fort potentiel d’innovation et de coopération autour de la technologie de la part des innovateurs sociaux puisque 91% des structures de l’utilité sociale en Europe souhaitent monter en compétences en interne sur le volet Tech. De plus, 86% d’entre elles souhaitent commencer ou continuer une collaboration avec une ou plusieurs structures de l’innovation technologique. Ce résultat permet de tirer un premier enseignement important : les structures de l’utilité sociale sont à la recherche de coopérations qui favorisent une montée en compétences de leurs équipes sur les technologies concernées.
Un nombre important de ces structures déclarent déjà utiliser les technologies de plateformes de participation démocratique (53%), d’apprentissage en ligne (43%), et de crowdfunding, crowdsourcing, crowdmapping (35%), et près d’un tiers de ces structures souhaite pouvoir utiliser prochainement chacun de ces types de plateformes. Si les besoins en innovation de plateformes sont importants, les innovateurs sociaux s’intéressent également à des technologies plus ou moins émergentes. Les structures utilisent déjà beaucoup le Cloud/Big Data (59%), et affirment un intérêt grandissant pour l’Intelligence Artificielle (28%) et l’Internet des Objets (14%), qui sont des secteurs d’innovation technologiques assez génériques. L’étude montre que l’intérêt des structures d’innovation sociale pour des secteurs comme la Blockchain, la Robotique, ou encore la Réalité Virtuelle demeure pour le moment plus en retrait.
L’étude confirme également l’existence d’un potentiel de coopération autour de la Tech sous des formes collaboratives, via des mouvements déjà existants. Si peu de structures de l’utilité sociale affirment appartenir au mouvement open data (36%) et au mouvement du logiciel libre (29%), près d’un tiers de celles qui déclarent ne pas appartenir à ces deux mouvements considère qu’il s’agit d’un besoin ou indique ne pas savoir se positionner sur le sujet. L’étude démontre également que les structures de l’utilité sociale pratiquent des formes de coopérations surtout commerciales, telles que le recours à la co-traitance et la sous-traitance (68%), plutôt que le mécénat financier (39%). Une part importante d’entre elles a recours au mécénat de compétences (52%) ou considère qu’il s’agit d’un besoin (25%). Seules quelques-unes considèrent que le modèle de Joint-Venture Sociale est un besoin (12%). L’analyse qualitative complémentaire montre que les structures de l’utilité sociale et celles de l’innovation technologique font évoluer progressivement les modèles de coopération au fur-et-à-mesure que se nouent une compréhension mutuelle des besoins, des compétences, des modes de fonctionnements plus harmonisés et des relations de confiance.
Au-delà de l’analyse des formes de coopérations, l’étude démontre qu’une grande majorité des structures de l’utilité sociale ayant coopéré avec une structure de l’innovation technologique considère que cette coopération a eu des effets positifs sur le renforcement de ses compétences Tech (80%), le renforcement de son modèle économique (60%), et le renforcement de son impact social (78%). Elle montre que cette tendance est particulièrement plus forte dans le reste de l’Europe qu’en France, où les écosystèmes de l’innovation sociale et de l’innovation technologique peuvent éprouver des difficultés à dialoguer et coopérer. Parmi les structures d’utilité sociale ayant coopéré avec des entreprises technologiques, une très large majorité indique avoir développé un impact social lorsqu’elles intègrent des solutions technologiques sur la thématique de l’emploi pour tous et de la réduction de la pauvreté (94%) et celle d’une éducation de qualité pour tous (75%). Cet effet positif de la coopération technologique est moins souvent cité concernant les thématiques de la santé pour tous (50%) et de l’environnement et de la croissance durable (50%). Si certaines structures parviennent à construire des coopérations efficaces et si la technologie est considérée comme un réel levier de développement par la majorité de notre échantillon, l’étude permet de souligner la persistance de certains freins. Au-delà des difficultés classiques qu’on peut rapprocher de celles des Petites et Moyennes entreprises les structures interrogées mettent en avant la méconnaissance du potentiel des innovations technologiques (pour 76%), l’absence de lieux de rencontre et d’échange (60%), et enfin dans une moindre mesure, l’incompatibilité des valeurs de l’innovation sociale et de l’innovation technologique (26%).
Dans l’ensemble, l’étude démontre que l’implication des pouvoirs publics, notamment au niveau européen, est fondamentale pour accompagner dans de bonnes conditions l’accès des structures de l’utilité sociale en Europe à des innovations et des coopérations numériques et technologiques existantes. Le soutien des pouvoirs publics à la formation de partenariats pousse les acteurs à imaginer des solutions pour se regrouper. Le besoin d’une législation adaptée (84%), d’une fiscalité adaptée (90%), de financements (94%) ou de mécanismes de mise en réseau (84%) sont des leviers d’actions plébiscités par les répondants de l’enquête.