“La notion d’impact est devenue fondamentale pour les projets d’innovation sociale”

Alors que La France s’engage s’apprête à célébrer ses 10 ans l’année prochaine, elle se dote d’un tout nouveau pôle Impact. Son objectif ? Muscler l’accompagnement des lauréats de la fondation, en leur permettant d’être encore plus efficaces dans leurs actions et convaincants en phase d’essaimage. Tristan Charlier a rejoint La France s’engage pour développer ce nouveau pôle. Il nous en explique la démarche.

A quels besoins répond la création du pôle Impact au sein de La France s'engage ?

Tristan Charlier – Notre point de départ a été la volonté de répondre à la question : « comment mieux accompagner les lauréats de La France s’engage pour renforcer leur impact auprès de leurs bénéficiaires et pour améliorer le pilotage de leur impact ? »

L’impact social est une notion qui s’est imposée dans le paysage depuis une dizaine d’années environ. Ce sont changements positifs qu’une action va apporter à ses bénéficiaires, en fonction d’un besoin social préalablement identifié vers lequel l’action est dirigée. Cela prend en compte aussi les moyens dont on se dote pour mener cette action par rapport aux objectifs visés. Les entreprises privées s’y intéressent de plus en plus dans le cadre de leur reporting extra-financier. Les évaluations de politiques publiques deviennent un sujet majeur de l’action publique. Les bailleurs de fonds demandent aujourd’hui à voir l’impact concret d’une action, à le comprendre et à le mesurer. Tous les acteurs qui œuvrent pour l’intérêt général, quelle que soit leur structure, sont invités à répondre aux deux questions sous-jacentes de l’impact :  “quel besoin social votre action répond-elle ?” et “quels changements concrets apportez-vous aux bénéficiaires de votre action ?”. Ils doivent avoir des réponses à apporter à leurs interlocuteurs publics et privés dans ce domaine. La France s’engage a donc décidé de se donner des moyens supplémentaires pour aider les porteurs de projets qu’elle accompagne à formaliser ces réponses. En créant ce pôle Impact, elle est pleinement dans sa mission de valoriser les meilleures initiatives de l’innovation sociale et de les aider à grandir, en leur apportant des données objectives sur leur impact social.

Comment va se matérialiser le travail du pôle Impact de La France s’engage pour les porteurs de projets lauréats ?

Nous allons travailler à deux niveaux.

Dans un premier temps, nous allons renforcer cette dimension de l’impact dans la sélection des lauréats du concours de La France s’engage. La fondation est connue et reconnue pour la qualité de son concours et son exigence dans la sélection des meilleures innovations sociales. L’esprit du concours a toujours été assez pragmatique, en plaçant la focale sur trois aspects : l’innovation, le changement d’échelle et l’impact. Ce dernier critère va être renforcé afin de sélectionner les projets susceptibles d’avoir le plus fort impact possible et de provoquer un effet de levier pour leurs bénéficiaires.

Le deuxième axe de travail s’exercera dans le cadre du programme d’accompagnement des projets lauréats. La notion d’impact apparaît dès la phase de diagnostic, qui est une étape fondamentale posée dans les six premiers mois de l’accompagnement. Travailler cette notion d’impact auprès des bénéficiaires relève d’une dimension stratégique : qui sont les bénéficiaires d’une action ? Que veut-on leur apporter ? Vers quoi veut-on les amener ? Il faut être capable d’aller au-delà des évidences et du « comment », pour répondre à la double question du « pourquoi » et du « pour quoi ». Cela exige d’avoir un cap clair et une vision précise. Ce questionnement autour de l’impact est très structurant. Et c’est d’autant plus important de mener cette réflexion à bien dans un contexte délicat de changement d’échelle, qui peut être déstabilisant et implique nécessairement de faire des arbitrages.

En fonction de son diagnostic personnalisé, nous définirons avec chaque lauréat sa propre méthodologie d’évaluation d’impact et ses propres indicateurs. L’accompagnement des initiatives sera ainsi différent selon leur maturité et leurs besoins.

Concrètement, que peuvent espérer les porteurs de projets de ce travail ?

Très concrètement, nous allons aider les lauréats à formaliser leur démarche d’impact et à l’enrichir de données objectives. Tout d’abord, cela les aidera à y voir plus clair sur leur stratégie globale et à prioriser leurs actions. Ils seront ainsi en mesure d’apporter des preuves tangibles de leur pertinence, et de démontrer leur utilité sociale auprès de leurs financeurs publics et privés, de leurs partenaires, du grand public, etc. On va leur donner les outils et les ressources pour objectiver leurs intuitions, leurs observations empiriques ou des retours informels de la part de leurs bénéficiaires. Nous allons transformer cette masse d’informations en indicateurs activables et en plan d’actions concret.

Deuxième effet collatéral : en cadrant leurs démarches évaluatives, nous allons aussi contribuer à améliorer leurs pratiques. L’évaluation de l’impact conduit souvent à remettre en cause certaines habitudes ou certaines manières de procéder. Cela peut engendrer des surprises, voire des blocages face au changement. La France s’engage sera aux côtés de ses lauréats pour les accompagner dans ce processus.

Tu parlais de diagnostic personnalisé pour les porteurs de projet lauréats du concours. Tu peux nous en dire plus ?

Pour schématiser, il y aura trois niveaux d’accompagnement des initiatives lauréates, en fonction de leurs besoins, de leur degré de maturité sur cette question d’impact et de leurs compétences en interne.

  • Pour les structures « débutantes » ou celles pour lesquelles l’évaluation d’impact n’est pas une priorité, nous allons surtout nous attacher à formaliser leur stratégie d’impact.
  • Pour les structures qui gagneraient à intégrer davantage dans leur fonctionnement un pilotage fin de leur stratégie d’impact : nous allons travailler sur le renforcement de leurs capacités en matière de suivi de leur impact et sur leur autonomisation. Qu’est-ce qu’elles veulent suivre ? comment y parvenir ?
  • Pour les structures qui ont pour enjeu d’apporter des preuves externes et objectives de leur impact (pour développer une stratégie de plaidoyer par exemple), nous allons les accompagner afin qu’elles soient en mesure de piloter efficacement le travail d’un cabinet indépendant. Se lancer dans une évaluation externe exige une grande implication et des moyens financiers. Si cela nous semble indispensable dans la stratégie d’essaimage de la structure, nous la soutiendrons dans cette démarche.

La France s’engage s’appuie sur un réseau de partenaires experts pour accompagner ses lauréats. Qui est l’expert sur cette question d’impact ?

Notre partenaire expert est l’agence PHARE. Nous les avons choisis car ce sont des spécialistes de l’évaluation de politiques publiques et de l’impact social. Ils mobilisent la force et la diversité des sciences sociales pour innover, aider au dialogue et accompagner la prise de décision. On y retrouve des sociologues, des économistes, des anthropologues, des politistes, des géographes, des urbanistes… Ils ont une approche à la fois riche, polyvalente et très sérieuse sur le sujet, avec une réelle faculté d’adaptation aux besoins des structures accompagnées.

Un mot de conclusion ?

Nous allons naturellement nous poser deux questions : quel a été l’impact de nos lauréats sur leurs bénéficiaires ? Mais aussi quel a été l’impact de La France s’engage pour ses lauréats et, plus largement, pour les Françaises et les Français ? Ce qui veut dire que, nous aussi, nous nous mettons en position de démontrer notre impact et l’apport que nous avons eu pour transformer la société française depuis notre création en 2014 ! C’est un très beau chantier à ouvrir pour les 10 ans de la fondation, qui a va largement mobiliser nos équipes, nos mécènes et nos partenaires.

Biographie

Après une carrière internationale dans la coopération et l’aide au développement, Tristan Charlier s’est spécialisé dans le secteur de l’Economie Sociale et Solidaire et l’évaluation d’impact. Il exerce d’abord ses compétences pendant 6 ans chez France Active, où il travaille sur l’évaluation de l’impact des projets d’innovation sociale et des projets de création d’entreprise par des personnes au chômage. Il devient ensuite responsable de l’impact comme salarié, puis en freelance, chez Impact Tank, du Groupe SOS, où il crée des référentiels de mesures d’impact dans le cadre de groupes de travail thématiques portant sur la précarité menstruelle et l’inclusion numérique, et travaille sur l’appropriation de la notion d’impact des grandes entreprises privées. En septembre 2023, il rejoint La France s’engage, pour prendre la tête de son nouveau pôle Impact.