Une soirée pour réaffirmer la fraternité en 2025 : La France s’engage rassemble sa communauté
Le 12 novembre, plus de 600 personnes, lauréats, partenaires, mécènes, acteurs publics et amis de La France s’engage, se sont retrouvées dans la Grande Halle du Carreau du Temple à Paris, pour une soirée à forte charge émotionnelle, entre récits d’engagement, inquiétudes politiques et besoin palpable de se rassembler et de résister.
« Tenter, braver, persister, persévérer »
Damien Baldin, directeur général de La France s’engage, a donné le ton en ouvrant la soirée par ces mots : “Nous savons que les hommes et les femmes réunis ce soir ont besoin aussi et surtout, dans ces temps contraires à leurs élans, de pousser la porte de refuges familiers où le bruit du monde s’estompe et les amis sont au rendez-vous. Nous devons prendre soin d’eux.“
En rappelant combien les acteurs de l’innovation sociale évoluent aujourd’hui dans un environnement où les tensions politiques et sociales pèsent sur leurs engagements, il a insisté sur un point central : “les forces qui obscurcissent notre monde n’aiment rien de tout ce que les lauréats portent avec La France s’engage.”
Ce que porte cette communauté, a-t-il souligné, c’est “l’exigence de la solidarité“, le choix assumé d’une économie sociale, mais aussi “l’universalisme de l’attention“, l’accueil de l’étranger, la défense de celles et ceux qui subissent discriminations et oppression. Un univers de valeurs qui encourage l’ouverture plutôt que le repli, le lien plutôt que l’isolement.
Le rappel de la trajectoire collective a été éloquent : cette soirée réunissait 219 lauréats de La France s’engage, présents ou représentés, “et plus un seul département de France qui manque à l’appel“. Une progression, en 11 ans d’existence, qui témoigne d’un maillage désormais national de l’innovation sociale.
Mais l’essentiel était ailleurs : dans la manière dont les projets primés, confrontés à des environnements de plus en plus fragilisés, continuent d’avancer.
Car Damien Baldin refuse tout découragement : “Le courage et la fatigue sont grands quand on entreprend aujourd’hui au nom de la fraternité“, a-t-il reconnu, avant de conclure sur une note volontariste en convoquant Victor Hugo : “Tenter, braver, persister, persévérer… étonner la catastrophe par le peu de peur qu’elle nous fait.“
Émotion et vigilance : un climat politique en arrière-plan
Cette respiration collective avait lieu à la veille du 13 novembre, date qui demeure une cicatrice nationale.
Le journaliste et écrivain Antoine Leiris, membre du conseil d’orientation de La France s’engage, a livré un témoignage rare, mêlant intimité et réflexion démocratique.
Dix ans après les attentats du Bataclan, qui l’ont touché personnellement, il est revenu sur son engagement moral, exprimé dans un texte qui a connu une résonnance mondiale : “Vous n’aurez pas ma haine.”
Il a confié : “Contrairement à ce que l’on peut croire, un événement comme ça ne vous change pas, mais vous déplace.” Il ajoute : “Je crois que j’ai tenu cet engagement. J’ai fait de mon mieux.”
Antoine a aussi posé une question inquiète : “Qu’est-ce que seraient devenus les mots que j’ai prononcés il y a dix ans s’ils avaient été prononcés aujourd’hui ? En combien de temps seraient-ils devenus un objet de débat, dénaturés, moqués ?“
Il dit avoir choisi le silence pour préserver la force de ses mots. Désormais, il souhaite “se battre avec” les lauréats, pour “cette France qui s’engage“, qu’il décrit comme un contre-récit nécessaire à l’époque : “Vous racontez ce pays tellement mieux que toutes les enquêtes d’opinion.“
Défendre la démocratie et la philanthropie comme biens communs

Et d’ajouter : “Quand l’extrême-droite décide d’investir le monde associatif et que les financements publics se raréfient, il est de notre responsabilité de faire de l’action philanthropique un acte de résistance.”
Enora a insisté sur les fondamentaux que la communauté doit désormais préserver collectivement :
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défendre les libertés associatives ;
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affirmer l’accueil inconditionnel ;
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financer ce qui n’est “pas rentable mais essentiel” ;
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refuser une vision strictement comptable de l’impact.
Elle a rappelé que cette préservation implique de mobiliser à la fois le secteur privé, lucratif comme non lucratif, et la puissance publique qui, malgré son désengagement financier, “doit rester garante de l’intérêt général“.
Avant de lancer un vibrant appel à la communauté : “Quand il vous arrivera de douter… n’oubliez pas que La France s’engage restera cet espace où le dialogue est pluriel et la diversité une force.”
Des trajectoires singulières, un même besoin : le soutien collectif
La soirée a donné une large place aux lauréats, qui ont livré des récits d’impact souvent très personnels, mettant en lumière les effets humains de l’accompagnement.
Insertion par les médias et émancipation à Mayotte : la force des passerelles
Charlotte Waelti (L’Onde Porteuse) a décrit la progression de personnes exilées ou en grande précarité par le biais du journalisme. Elle évoque Mirela, contrainte de fuir l’Albanie, qui “vient de signer un CDI pour un métier qu’elle a choisi“ après un passage dans la rédaction inclusive.
Elle cite également Islam, journaliste de Gaza, ou Michael, “quinze ans de rue derrière lui“, désormais animateur radio. L’Onde Porteuse a accompagné 400 personnes, et 86 % ont retrouvé un emploi durable.
Face à elle, Houssaini Assani Tafara, président d’Émanciper Mayotte, rappelle les conditions de réussite des bacheliers mahorais : “L’accompagnement est primordial pour lutter contre 90 % d’échecs en première année d’études supérieures.”
Grâce à La France s’engage, l’association a pu s’implanter à La Réunion et en métropole pour assurer un suivi continu. Depuis le cyclone Chido, “tout le territoire mahorais est passé en quartier prioritaire“. L’association s’est adaptée : formation aux métiers en tension, participation à la reconstruction, continuité éducative.
La présence successive de Charlotte et Tafara a rendu tangible la manière dont des projets très différents se répondent et renforcent leur impact social, au sein d’un même écosystème.
Ruralité : casser les clichés et produire de la connaissance
Salomé Berlioux (Rura) et Thibault Renaudin (InSite) ont exposé une ruralité trop souvent caricaturée.
“Les ruraux restent coincés entre l’Amour est dans le pré et l’invisibilité“, lance Salomé. Elle évoque aussi les clichés pesant sur les jeunes femmes rurales : “Manon des sources ou Bécassine“.
Thibault, avec humour, prolonge : “Quand vous êtes un homme rural, vous êtes forcément chasseur ou agriculteur… alors qu’ils représentent moins de 6 % des actifs.”
Leur intervention a montré ce que le label La France s’engage produit : un passage à l’échelle, mais aussi des alliances inédites, jusqu’à des travaux communs de plaidoyer. Ensemble, ils ont conduit une grande enquête sur l’image que les ruraux ont d’eux-mêmes, afin d’alimenter le débat public au-delà des stéréotypes.

Éducation et jeunesse : unir les forces pour mieux servir une génération fragilisée
La prise de parole conjointe de Béatrice Viannay-Galvani (100 000 Entrepreneurs) et Jean-Pierre Bouchillou (Entreprendre Pour Apprendre) a offert un moment structurant de la soirée. Leur message ne portait pas seulement sur deux associations engagées pour la jeunesse, mais sur une conviction stratégique : dans le champ éducatif, l’intérêt général progresse lorsqu’on mutualise, non lorsqu’on avance en parallèle.
Béatrice a d’abord rappelé ce que produit une rencontre décisive dans la trajectoire d’un jeune. Elle évoque Dominique, à qui l’on avait prédit une orientation contrainte et qui, après avoir entendu un entrepreneur témoigner en classe, “ose enfin entreprendre sa vie“. Jean-Pierre raconte de son côté l’histoire d’Haroun, arrivé en France depuis trois ans et qui, grâce au dispositif de Mini-Entreprise, a découvert “la confiance en lui-même“.
Ces récits individuels ont servi d’appui à un argument plus large : disposer de dispositifs efficaces ne suffit plus ; encore faut-il s’unir pour les rendre accessibles à tous. Les deux dirigeants l’ont formulé sans détour : depuis un an, leurs associations ont choisi de ne plus cheminer côte à côte mais de s’assembler, de coconstruire et de mettre en commun ce qui peut l’être, gouvernance, moyens humains, outils numériques, réseaux locaux. Ainsi est né Entreprendre pour Apprendre France.
Cette fusion répond à un enjeu de fond : éviter la juxtaposition d’initiatives pertinentes mais éclatées, et construire une capacité collective à l’échelle nationale. “L’éducation est une responsabilité collective“, rappelle Jean-Pierre Bouchillou. Leur ambition illustre cette logique : accompagner une classe d’âge entière, soit 700 000 jeunes chaque année d’ici dix ans, en touchant chacun au moment décisif de son orientation.
Haute fonction publique et innovation sociale : deux mondes qui apprennent à se connaître
Le duo Diane Dupré la Tour (Les Petites Cantines) et Frédérick Mathis (Écoles de la Transition écologique – ETRE), tous deux ayant participé au Cycle des hautes études de service public (CHESP) à l’initiative de La France s’engage a illustré la puissance des rencontres improbables.
Frédérick raconte avoir découvert, à l’INSP, “des femmes et des hommes qui tiennent la France debout“, du directeur de la police parisienne au pompier. “Sur le terrain comme dans les associations, nous faisons la même chose : réparer, relier, prendre soin.” Il souligne que ces hauts fonctionnaires et dirigeants associatifs partagent un même engagement pour l’intérêt général, mais qu’ils ne se connaissent que très peu : “Ce programme crée un espace rare où l’action publique et l’action de terrain se rencontrent, indispensable pour le bien commun et pour permettre aux initiatives de grandir.”
Diane, de son côté, a vécu un “vis ma vie“ de général de gendarmerie en Corse : perquisition, opérations, véhicules blindés… mais surtout, dit-elle, “la puissance du lien“. Elle rapporte les mots du général : “Mon autorité repose sur la confiance dans mon équipe.”
Diane conclut : “Ces rencontres montrent que l’interconnaissance entre acteurs publics et associatifs est une énergie en soi. Les relations humaines sont notre première énergie renouvelable. Et c’est exactement ce que La fonction publique s’engage permet : créer un réseau où chacun peut apprendre de l’autre, pour le bénéfice de tous.“
Voir notre article sur le programme “La fonction publique s’engage”
Quand l’engagement devient force et choix
Martin Hirsch, président de la Fondation La France s’engage, a salué la détermination des lauréats : “Vous avez tous en commun d’avoir eu le choix. Vous auriez pu faire autre chose que de vous engager. Pourtant, vous vous êtes engagés.”
Il a rappelé que la véritable force de cette communauté ne réside pas dans l’urgence ou la catastrophe, mais dans le choix de servir : “Il ne faut pas attendre qu’il soit trop tard, de ne plus avoir le choix. Cette équipe de lauréats contribue à transformer la France dans le bon sens.”
Rappelant des souvenirs poignants, il a illustré l’impact de l’engagement dans la vie quotidienne : “Quand on a lancé le service civique il y a 15 ans, on avait fait venir Simone Veil et Stéphane Hessel. Est-ce que de notre temps, c’était facile de s’engager ? On n’avait pas le choix. S’engager. Pour vous, c’est beaucoup plus dur parce que l’on peut hésiter.” Il a également évoqué le courage spontané des individus dans l’urgence : “Le 14 novembre, en faisant le tour des hôpitaux, on a vu des victimes qui ne se plaignaient pas, mais qui s’excusaient d’être là, en disant : ‘Occupez-vous des autres’.“
François Hollande, fondateur de La France s’engage et ancien Président de la République, a placé les lauréats face à la responsabilité historique et collective de l’engagement : “Face à ce danger peut-être déjà présent, l’engagement est encore plus nécessaire. Nous avons des menaces fortes et nouvelles… La question de la cohésion, de la mobilisation de nos forces est indispensable.”
Pour lui, ce que font les lauréats a un impact direct et vital : “Quand je viens chaque année, c’est un bain de jouvence. C’est un bain de vitalité, d’humanité, de dignité. Mais pour ça, il faut ramener de l’eau pour que le bain ne fuie pas. C’est ce que vous faites.”
Enfin, François Hollande a rappelé la pérennité du mouvement : “Celui-là ne s’arrêtera pas. Il n’a pas de limite de temps. La France s’engage, c’est pour l’éternité.”
Dans un contexte où l’engagement est un choix et non une obligation, ces lauréats incarnent le courage, la solidarité et la force de transformer la société.
Paroles de mécènes
Au cours de la soirée, cinq de nos partenaires mécènes ont témoigné en vidéo des raisons de leur engagement à nos côtés.
Pour leur parole, engagée et vivante, nous remercions chaleureusement :
- Daniel Baal, Président du Crédit Mutuel et du CIC
- Mayada Boulos, présidente exécutive d’Havas Paris
- Nicolas Lioliakis, Chairman France de Kearney
- Anne Messin, Vice-présidente de la Fondation d’entreprise Covéa
- Anne Ramon, directrice de la communication, de la marque, de la RSE et des engagements sociétaux de Malakoff-Humanis
Une soirée qui réaffirme un besoin : tenir ensemble
À mesure que les témoignages se succédaient, un fil commun s’est imposé : la nécessité de se soutenir mutuellement, d’entretenir un espace rare où le doute se partage, où la fatigue s’exprime, où la solidarité se travaille.
La soirée a été moins une célébration qu’une forme de respiration, dans un climat où les acteurs de l’engagement social affrontent des contradictions multiples : raréfaction des financements publics, pressions politiques, urgences sociales croissantes, fractures territoriales persistantes.
Dans cette atmosphère, la présence de 600 membres de la communauté n’était pas un simple chiffre : c’était un signe de résistance collective, une manière de rappeler que ce tissu d’initiatives continue de tenir, d’agir et de proposer des issues concrètes aux vulnérabilités contemporaines.
À l’heure où de nombreux repères vacillent, la soirée 2025 de La France s’engage a redonné un horizon : tenir ensemble, lucides mais déterminés, dans un monde qui en a besoin.
Crédit photos : Alexandre Moulard
Crédit vidéo : Novo Corp.






































